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Qui s'abaissera sera élevé


Dans l’Evangile de ce dimanche : « Quiconque s’élèvera sera abaissé. Qui s’abaissera sera élevé ». Ne pas prendre la première place pour s’entendre dire, la honte au visage, qu’il faut la céder à un hôte plus important mais s'asseoir plutôt à la dernière place et laisser le maître de maison nous inviter à avancer plus haut… Ne pas chercher à s’élever soi-même mais être élevé.

Il me semble que dans cette page d’Evangile, Jésus veut nous aider à comprendre la nature profonde de notre péché. A travers cette histoire de première et de dernière place, il veut nous aider à comprendre ce qu’il y a de faux en nous, de mal ajusté dans notre vie.

Car le péché ce n’est pas d’abord dire des gros mots, mentir ou regarder par le trou de la serrure. Fondamentalement, la racine du péché en nous, c’est « vouloir obtenir par soi-même ce que Dieu veut nous donner ». Cette définition-là du péché me semble très éclairante.

Nous voulons tous être grand. Tous nous voulons la première place, d’une manière ou d’une autre. Je veux dire par là que tous, nous voulons être aimés, être considérés, en un mot exister. Et je ne peux pas croire un instant que ce désir en nous serait mauvais. Il est au contraire un élan de vie qui je crois, vient de Dieu.

Si nous confondons ce désir d’être grand avec le péché, alors lutter contre notre péché revient à lutter contre la vie en nous. Certains prêchent cela… Au mieux par maladresse. Au pire par peur de la vie : « Ne vivez pas trop, cela offenserait Dieu ». Je crois, pour ma part, que cette méprise est l’un des plus grands tords que l’on puisse faire à l’Evangile. Je crois, pour ma part, que ce désir de vie qui est en nous, ce désir d’être grand vient de Dieu ! Le péché ce n’est pas de vouloir être grand. Le péché, c’est de vouloir s’élever soi-même au lieu d’être élevé. Nuance !

Souvenez-vous du serpent de la Genèse. Le serpent va insinuer le doute dans le cœur d’Eve. La thèse du serpent c’est que Dieu a interdit le fruit de l’arbre parce qu’il veut maintenir l’homme dans un état d’infériorité. Il sous-entend que Dieu ne veut pas que nous devenions comme lui, qu’il entend garder un privilège sur nous. Devant un tel dieu, je ne peux que me rebeller ou me soumettre. Mais je ne peux pas l’aimer.

C’est précisément ce que cherche le serpent. Il veut nous empêcher d’entrer dans une relation d’amour avec Dieu. Et pour cela, il nous dessine l’image d’un dieu pervers afin de nous piéger dans cette unique alternative : la rébellion ou la soumission. Souvent on a confondu la sainteté avec la soumission. Cette méprise est terrible. Il est des images de Dieu devant lesquelles il est préférable de se rebeller !

Le serpent veut faire croire à Eve que Dieu ne veut pas qu’elle devienne comme Lui. Or précisément, le grand projet de Dieu dans toute l’histoire de l’Alliance, son grand désir, c’est bel et bien que l’homme devienne comme Dieu ; c’est vraiment que l’homme soit divinisé. Ou sanctifié. Ce qui veut dire la même chose. Mais le désir de Dieu c’est que l’homme accueille cette divinisation, cette élévation comme un don et non qu’il cherche à l’acquérir comme une proie. C'est toute la différence entre l'homme qui veut se faire dieu et l'homme qui se laisse diviniser par Dieu. Vous me direz que la nuance est subtile ; c’est précisément sur cette ambiguïté que repose toute la stratégie du serpent… C'est dans cette nuance subtile que vient se cacher la racine du mal en nous.

Nous connaissons la suite de l’histoire. Eve va tomber dans le panneau. Et Adam avec elle. Et depuis ces origines, les hommes ne savent plus se tenir en vérité devant Dieu : soit ils se rebellent, soit ils se soumettent. Rarement ils l’aiment. Rarement ils entrent dans cette Alliance que Dieu veut avec chacun de nous.

« Quiconque s’élève sera abaissé. Qui s’abaisse sera élevé »

Cette parole, nous pouvons l’entendre avec l’oreille du serpent et alors elle devient odieuse. Voilà un dieu devant lequel il faut s’écraser, s’humilier. Il faudrait tuer en nous tout désir de grandir, il faudrait renoncer à vivre vraiment. Derrière de telles représentations, il y a l’idée d’un dieu qui n’aime pas l’homme. C’est l’idée du serpent qui envahit nos cœurs si souvent.

Mais cette parole, nous pouvons l’entendre d’une autre oreille, celle du Dieu de l’Alliance, celle du Dieu de Jésus Christ : « Cesse de vouloir être quelqu’un par toi-même. Cesse de vouloir mériter la vie quand il s’agit seulement de l’accueillir. Cesse de vouloir te grandir par orgueil. C’est l’amour et l’amour seul qui élève. Laisse Dieu t’élever jusqu’à Lui ».

Je crois que c’est de cette manière qu’il faut comprendre ce qu’est l’humilité vraie. Je me souviens d’une réponse que notre ancien évêque, Mgr Pierre Eyt, a faite un jour à un séminariste qui le questionnait sur l’humilité. « Qu’est-ce qu’être humble ? ». Pierre Eyt était cardinal de l’Eglise romaine, il occupait les plus hautes fonctions et il a répondu : « Être humble ce n’est pas refuser d’être grand, ce n’est pas refuser les honneurs. L’humilité vraie consiste simplement à accueillir la place qui nous est donnée ».

Au fond que l’on soit grand ou petit, que l’on soit assis devant ou derrière, que l’on exerce l’autorité ou pas, tout cela n’a de l’importance qu’aux yeux des hommes. Dieu ne fait pas beaucoup de cas de ces distinctions. Pour celui qui a un cœur humble, être à la première ou à la dernière place n’a aucune importance. Il s’agit simplement d’accueillir la place qui nous est donnée. L'accueillir comme un don au lieu de vouloir l'acquérir comme une proie.

Nous le savons bien, c’est l’amour qui élève et non pas nos gesticulations orgueilleuses. Or l’amour ne peut que s’accueillir et non se conquérir. Laissons Dieu nous aimer. Laissons Dieu nous élever.

Pierre Alain Lejeune

29 août 2016


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