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Premières nouvelles de San Ignacio


Après 53 heures de voyage, 3 avions, une demi douzaine de taxis, un bus et 3 heures de taxi brousse agrémentées d’une traversée en barge pour franchir le rio Mamoré dépourvu de pont, me voici enfin à San Ignacio de Moxos, au cœur de la province de Beni, en forêt amazonienne.

Je me souviens qu’il y a 20 ans, en Indonésie, un père missionnaire français m’avait prévenu à mon arrivée : « Après 10 jours ici, tu pourras publier un livre. Après 6 mois, tu écriras peut-être un article. Dans un an, tu n’oseras plus rien dire ». Il avait raison et après 2 années passées dans ce pays, le peuple indonésien m’apparaissait dans toute sa complexité si bien que je ne savais plus trop comment en parler. Je ne sais pas si l’on peut dire la même chose dela Bolivie mais, au cas où, je profite de ces premiers jours pour écrire…

San Ignacio de Moxos fait partie des toutes premières « reducciones » jésuites qui se sont développées à partir du 17ème siècle depuis l’altiplano péruvien jusqu’au Paraguay. Ces villages d’indiens organisés par les pères jésuites proposaient une alternative au colonialisme espagnol et portugais souvent violent et esclavagiste. C’est ainsi qu’ils ont découvert et valorisé chez les indiens une organisation sociale tout à fait originale, collectiviste et fondée sur un mode de gouvernement collégial. C’est en accueillant cette organisation sociale qu’ils ont apporté le christianisme et c’est la rencontre de cette société indigène avec la foi chrétienne qui a donné naissance à ce qui subsiste encore aujourd’hui : un christianisme extrêmement fort qui s’exprime à travers le meilleur de la culture et de l’organisation sociale amérindiennes. Une Eglise dans laquelle les communautés locales fonctionnent de manière très autonomes. communautés locales fonctionnent de manière très autonomes.

La musique est un domaine où le métissage a été le plus impressionnant et le plus fécond. Les indiens ont si bien accueilli la musique baroque enseignée par les js après l’expulsion de ses derniers. C’est à Sas js après l’expulsion de ses derniers. C’est à San Ignacio qu’ont été repartitions datant du 17ème siècle. Avec les siècles cette musique s’est métissée donnant naissance à ce que l’on appelle le Baroque missionnaire : le résultat est merveilleux. Ceux qui n’ont pas encore vu le film « Mission » doivent absolument remédier à cette lacune : ce film n’est pas seulement magnifique, il est aussi historiquement très juste.

Jusqu’à récemment, l’église de San Ignacio était dans un piteux état ; le climat tropical avait eu raison de l’édifice initial. C’est le Père Enrique que j’ai rencontré à Santa Cruz avant d’arriver ici, qui a entrepris sa rénovation depuis 1995. Aujourd’hui, le résultat est édifiant ! En entrant dans l’église, le jour de mon arrivée, j’ai eu le sentiment de me retrouver à l’époque des premières missions jésuites. Ce sont des artistes locaux qui ont travaillé à sa rénovation et ils ont spontanément retrouvé les mêmes motifs artistiques que ceux de leurs ancêtres.

La communauté de San Ignacio compte 4 jésuites. Fabio, le supérieur, est italien mais vit en Bolivie depuis 25 ans. Santiago est l’ancien ; il est catalan et vit en Bolivie depuis plus de 50 ans ; retraité il est arrivé récemment à San Ignacio. Les deux autres sont boliviens : Bernardo a une trentaine d’années et Orlando, le plus jeune, est encore en formation. Cette petite communauté a en charge 4 paroisses. L’ensemble compte seulement 20.000 habitants sur un territoire de 43.000 km2 soit 4 fois la Gironde. Fabio ou Bernardo partent régulièrement visiter les villages isolés le plus souvent en moto ou en « avioneta » : un petit avion d’une dizaine de places qui assure les liaisons de manière aléatoire. L’avion décolle lorsqu’il est complet… C’est donc ici, au bout du monde, que je vais vivre ces premiers mois « sabbatiques »…

Par ailleurs, comme vous pouvez l’imaginer la liaison internet est extrêmement aléatoire elle aussi et je ne suis pas sûr de pouvoir alimenter ce Blog aussi souvent que je l’aurais voulu. Les gens disent ici que la liaison satellite fonctionne mieux les jours de beau temps. Or la saison des pluies approche…

Pierre Alain Lejeune

9 septembre 2016





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