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Session des animateurs de communautés


Ils sont une vingtaine à avoir fait le déplacement pour ces 3 jours de formation à San Ignacio. Certains sont venus en moto, en cheval, à pied, en camion. Francisco, 70 ans, a fait à pied les 15 kms séparant son village de la piste la plus proche avant de trouver un camion de sable pour le conduire jusqu’ici.

Ils sont tous animateurs et animatrices de communauté ; ce sont eux qui rassemblent les chrétiens le dimanche dans l’église de leur village pour une liturgie de la Parole, parfois suivie de la communion avec les hosties consacrées qu’ils ont pu rapporter de la « ville ». Ce sont eux qui assurent la catéchèse des enfants et préparent les sacrements du baptême, de la communion, etc… ; ce sont eux qui organisent les prières pour les malades et célèbrent les obsèques. Ils ont un rôle décisif dans la vie de l’Eglise locale ; le prêtre ne venant que 2 ou 3 fois dans l’année, ce sont eux qui assurent « l’ordinaire ».

Le Père Fabio les rassemble 2 fois dans l’année pour ce temps de formation. Ce matin c’est autour du chapitre 11 d’Isaïe que commence la session. Toute la matinée, l’échange sera dense et riche. Je suis surpris de la spontanéité dans la prise de parole et surtout de l’écho que suscite dans leurs vies la Parole de Dieu. Ce sont des hommes et des femmes à l’instruction très rudimentaire et qui n’ont certainement pas lu beaucoup de livres dans leur vie ; pourtant ils semblent facilement trouver les mots pour exprimer ce que ces versets évoquent de leur quotidien, de leur désir d’harmonie, de leur espoir d’un monde plus fraternel, de Jésus qui accomplit cette prophétie d’Isaïe.

Puis la discussion prend un tour assez concret abordant un problème social très actuel : les « gringos » qui s’installent massivement depuis quelques années pour faire de l’élevage intensif et qui détruisent la forêt pour agrandir les zones de prairies. Les communautés indigènes tiennent à leur forêt : elle est leur source de vie. Couper les arbres rompt l’harmonie voulue par Dieu dont parle le prophète Isaïe.

Entre parenthèse, pour le peuple Mojeño, ce qu’offre la nature n’a pas vraiment de propriétaire. Bien sûr les champs cultivés sont récoltés par ceux qui les travaillent mais les fruits des arbres par exemple sont totalement libres. Je fus surpris l’autre jour de voir 3 jeunes qui étaient entrés dans le jardin du presbytère, cueillir à pleines brassées les mangues qui sont mûres en ce moment. Je les trouvais un peu gonflés de se servir comme ça sans rien demander… Heureusement, j’ai retenu cette réaction première ; leur faire une remarque aurait été complétement déplacé. Ce que donne la Terre Mère n’a pas de propriétaire : elle nourrit tout le monde. Aussi, voir les riches propriétaires des grandes villes venir ici et raser la forêt pour y faire de l’élevage intensif est vécu comme une violence difficile à décrire et tout à fait contraire au chapitre 11 d’Isaïe. Avec Fabio, le groupe réfléchit aux moyens pour lutter contre ce phénomène.

La suite de la journée est consacrée à l’apprentissage de l’animation d’un temps de prière. Un à un, les animateurs exposent les difficultés qu’ils rencontrent. Fabio leur donne quelques conseils et nous passons aux travaux pratiques : par petits groupes nous nous mettons à préparer un temps de liturgie de la Parole.

Ces animateurs de communauté sont bien sûr tous bénévoles. Pendant 3 jours, ils ont laissé leur famille et leur travail pour venir ici se former à leur mission. Pas un seul ne semble se poser la question du manque à gagner pour eux et de la lourdeur de l’engagement que représente cette mission. Ces petites communautés de villages sont très modestes mais elles sont la réalité de l’Eglise ici et ne peuvent exister que grâce à l’engagement de ces hommes et femmes. Ils exercent un vrai ministère.

Ce qui conduit à considérer le rôle du prêtre de manière assez différente de ce que nous connaissons en France. Ils ne sont que trois ici à San Ignacio pour couvrir un territoire plus grand que la Gironde et pourtant je peux vous assurer que leur rythme est beaucoup plus cool que chez nous. Mais la question n’est pas d’abord un problème d’agenda. La question est de savoir qui est au centre de la vie chrétienne : le prêtre ou la communauté ? Peut-être qu’en France, le prêtre est encore trop considéré comme la cheville ouvrière de toute la paroissiale.

Cette diversité des rôles se traduit également dans la liturgie. Les prises de paroles me semblent plus diversifiées que chez nous : les rôles liturgiques (en plus de ceux des enfants de choeurs) sont reconnaissables à l'habit. C'est le cas des sacristains, des lecteurs mais aussi des « mamitas » : ces femmes, toujours habillées en blancs, sont les veuves de la paroisse organisées en une corporation très officielle. Les veuves ont ici une place sociale et liturgique très reconnue. L’église est leur domaine : chaque semaine elle en assurent l’entretien. Ce sont elles qui veillent à ce que la prière pour les défunts soit toujours assurée. Tous les dimanche matin, la messe est précédée par 15 mn de prière qu'elles assument avec une régularité quasi monastique. (voir photos)

Notre session s'est donc achevée par la messe dominicale. Chacun a ensuite regagné son village. La réalité de l’Eglise est assez pauvre dans cette région : la formation des animateurs de communauté reste assez rudimentaire. Mais il est indéniable que l’Evangile a pris racine ici et dans l’humilité des moyens humains et matériel le Christ est bien présent dans la forêt d’Amazonie.

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