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Reconnaissance


Dans l'Evangile de ce jour (Luc 17,11-19), les dix lépreux sont guéris de leur lèpre. Pourtant un seul revient sur ses pas pour rendre grâce à Jésus. Un seul est reconnaissant. Et à lui seul Jésus dit : « Ta foi t'a sauvé ! ». Les dix sont guéris mais un seul est sauvé. C'est la foi qui sauve ! Et la foi est avant tout relation… Ce qui nous sauve, c'est la relation ! Seul ce samaritain est revenu vers Jésus ; lui seul est réellement entré en relation avec Jésus dans ce geste de reconnaissance. Et lui seul est sauvé. Ce qui nous sauve, ce ne sont pas les choses, ce ne sont pas les événements heureux ou douloureux de nos vies. Ce qui nous sauve, c'est Celui avec lequel ces choses ou ces événements nous fait entrer en relation. C'est la relation qui sauve !

Tout petits, nous avons appris à dire « merci », ce mot magique que nous devions prononcer la main tendue vers le cadeau à recevoir. Ce petit mot « merci » réclamé avec insistance par nos parents, nous apprenait à ne pas rester le regard fixé sur le don mais à lever les yeux pour reconnaître le donateur ; à voir dans le cadeau autre chose que la chose, à recevoir la relation qu'elle signifiait. Ce petit mot magique nous apprenait, dès le plus jeune âge, que ce ne sont pas les choses ni même les événements qui importent. Dans chaque cadeau, ce qui importe, c'est la relation qu'il instaure ou nourrit. Mais nous sommes si prompts à oublier cette leçon de vie de notre enfance et à capter pour elles-mêmes les choses et les personnes, à en oublier la profondeur, à les prendre pour nous seuls en perdant du même coup la chance de relation dont ils étaient porteurs.

Ce matin, en pédalant vers l'église du Taillan, je me suis arrêté devant un érable enflammé aux couleurs de l'automne. Juste une minute à contempler cet arbre dans le soleil de novembre. Mais à qui donc vais-je dire « merci » pour cet arbre si je ne sais, derrière le don, discerner le donateur ? Avec qui cette merveille de la nature me mettrait-elle en relation si je ne savais y reconnaître un geste d'amour du Créateur ? La valeur de cet arbre, au-delà de sa beauté, c'est la relation qu'il instaure avec Celui qui le crée pour moi, Celui que je peux reconnaître comme mon Créateur et mon Dieu, Celui à qui je peux dire « merci ». Pourvu que je consente à faire ce détour, à « revenir sur mes pas », à ne pas capter les choses ou les personnes pour elles-mêmes, à les voir dans la lumière de Dieu. Chaque chose, chaque événement, chaque personne peut alors devenir un « lieu » de rencontre et de relation avec Dieu lui-même.

Voyant de loin le buisson ardent qui brûlait sans se consumer (Exode 3,3) Moïse « fit un détour » pour voir cette chose extraordinaire. Et ce détour fut le commencement d'une relation unique par laquelle Dieu allait sauver son peuple de l'esclavage. Ce qui nous sauve, c'est la relation ! La foi est un détour. Comme un pas sur le côté. Afin de voir en chaque chose et en chaque circonstance une autre profondeur, un autre Donateur. Afin de le reconnaître ; étymologiquement, afin de « renaître avec ». C'est par cette renaissance, cette nouvelle naissance qu'opère en nous toute relation vraie que nous sommes sauvés. Les dix lépreux ont été guéris par Jésus. Apparemment aucune différence entre ces dix malades rétablis dans leur corps. Apparemment… Et pourtant, pour celui qui sait entendre... Un seul est sauvé, un seul est « né de nouveau » avec Dieu. Un seul est entré dans la relation que cette guérison voulait instaurer. Ce qui nous sauve, c'est la relation !

Pour celui qui a découvert la profondeur de son être, la guérison importe peu face au salut ! Pour celui qui a fait l'expérience de sa misère et de sa fragilité, pour celui qui sait qu'il ne peux pas se sauver lui-même, cette « relation » apparaît vitale, elle devient comme l'enjeu de toute une vie… Pour celui-là, chaque chose, chaque rencontre, chaque évènement, les plus doux comme les plus amers, peut devenir le « lieu » d'une rencontre et d'une relation qui sauve et qui fait renaître. Voilà ce que je me disais ce matin en contemplant mon buisson ardent sur la route du Taillan...


Pierre Alain Lejeune


15 novembre 2017

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