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Et après ?

Et tout s’est arrêté…

Ce monde lancé comme un bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus rien faire. Mais que va t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi ressemblera notre vie après ?

Après ? Nous souvenant de ce que nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il est bon de s'arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.

Après ? Ceux qui habiteront sous le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à papy qui vit seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous appellerons cela la famille.

Après ? Nous écrirons dans la Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite, cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la sagesse.

Après ? Nous applaudirons chaque jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h, les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à 10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous appellerons cela la gratitude.

Après ? Nous déciderons de ne plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.

Après ? Nous pourrons décider de transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées, d’entraide pour aller faire les courses ou amener les enfants à l’école. Et nous appellerons cela la fraternité.

Après ? Nous rirons en pensant à avant, lorsque nous étions devenus les esclaves d’une machine financière que nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il soit. Et nous appellerons cela la justice.

Après ? Nous nous souviendrons que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains. Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire, nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.

Après ? Dans nos maisons, dans nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été si douloureux et si intense à la fois que nous aurons découvert ce lien entre nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous l’appellerons Dieu.

Après ? Après ce sera différent d'avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus éprouvante que la mort physique. Car il n'y a pas de résurrection sans passion, pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela, pour dire cette lente transformation de nous qui s'accomplit au coeur de l'épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n'existe pas de mot.

Pierre Alain Lejeune

22 mars 2020

After ?

Then everything came to a stop…

This world was racing madly forward, we all knew it was rushing toward its own destruction but no one wanted to pull the emergency brake, and then this gigantic machine suddenly came to a halt. Because of a tiny little bug, a tiny little parasite not even visible to the naked eye, an infinitesimal little virus. How ironic! And now we’re forced to shelter in place and twiddle our thumbs. But what will happen after? After, when the world gets back on the move and the nasty little bug has been defeated? What will our life be like after?

After? We will remember what we experienced during this long confinement and choose one day a week to stop working because we will have rediscovered how good it is to stop; a long day to savor the passage of time and the people who surround us. And we will call it Sunday.

After? Those who live under the same roof will spend at least three evenings a week together, playing, talking, taking care of each other, and also phoning grandpa who lives alone on the other side of town or our cousins far away. And we will call it family.

After? We will write an amendment to the Constitution to state that not everything can be bought, that we need to make a distinction between need and passing fancy, between desire and greed; that a tree requires time to grow and that time that takes its time is a good thing. That humans have never been and never will be all-powerful and that this limit, this fragility at the very core of our being is a blessing since it is the condition that makes love possible. And we will call it wisdom.

After? Every day, we will applaud not only medical workers at 8 p.m. but garbage collectors at 6 a.m., postal workers at 7 a.m., bakers at 8 a.m., bus drivers at 9 a.m., elected representatives at 10 a.m. and so forth. Yes, I did write elected representatives, because through this terrible trial, we will have rediscovered the meaning of serving the State, of devotion and the Common Good. We will applaud all those who are at the service of their neighbors, in whatever way. And we will call it gratitude.

After? We will decide to stop losing our tempers while waiting on line in front of stores and to take advantage of that time to talk to the people who are waiting their turn, just like us. Because we will have rediscovered that time does not belong to us; that He who gave it to us did not charge us anything and that indeed time is not money. Time is a gift to be received and each minute a present to be savored. And we will call it patience.

After? We will choose to turn all the WhatsApp groups created for neighbors during this long ordeal into real groups, meals and news shared, help offered to go grocery-shopping and take the kids to school. And we will call it brotherhood.

After? We will laugh when we think back to before, when we were slaves to a financial machine we had ourselves created, its despotic grip crushing human lives and devastating the planet. After, we will put humans back at the center of everything because no life deserves to be sacrificed in the name of a system, whatever it might be. And we will call it justice.

After? We will remember that we gave each other this virus without any distinction according to skin color, culture, income level or religion. Simply because we all belong to the human race. Simply because we are human. And from that too we will have learned that if we can give each other the worst, we can also give each other the best. Simply because we are human. And we will call it humanity.

After? In our houses, in our families, there will be many empty chairs and we will mourn those who will never see this after. But what we have lived through will have been both so painful and so intense that we will have discovered this bond between us, this communion stronger than geographic distance. And we will know that the bond that makes light of space also makes light of time; that it extends beyond death. And this bond that unites this side of the street with the other, this side of death with the other, this side of life with the other, we will call it God.

After? After will be different from before but to live in this after, we must go through the present. We must consent to this other death taking place within us, this death far more trying than physical death. For there is no resurrection without passion, no life without going through death, no real peace without having defeated your own hate, nor any joy without having been through sadness. As for what to call this slow self-transformation achieved in the heart of the ordeal, this long gestation we must go through, there are no words.

Pierre Alain Lejeune

March 22, 2020

Translated from the French by Nicholas Elliott.

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