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Choisis la vie !


Hier soir, des enfants déguisés en vampires jouaient encore sur la place du village tandis que, dans l’église, nous chantions déjà les premiers feux de la Toussaint. Il y avait un monde entre leurs cris et nos chants. Mais d’où vient donc cette grande confusion ? Quelle amnésie a donc frappé notre monde pour qu’il en vienne à confondre tout et son contraire ? Et à préférer la mort à la vie ?

Ces enfants qui criaient à se faire peur ne savent pas, bien entendu, que le folklore d’Halloween est avant tout une affaire commerciale très rentable. Comme la fable du Père Noël d’ailleurs qui a projeté dans l’oubli l’humble naissance de l’enfant de Bethléem. Et sitôt les citrouilles enlevées des devantures des grandes surfaces, elles seront remplacées par le gros bonhomme rouge et son traîneau. Mais par quel abêtissement, l’immense majorité des hommes porte désormais plus d’intérêt à une citrouille qu’à la communion des saints et au Père Noël qu’au mystère de l’incarnation ? Qui ne voit donc que ces prétendues festivités nous sont dictées par la loi du marché, ce tyran invisible qui nous impose ce que nous devons faire et croire et modèle ainsi nos vies à sa guise. Si le Père Noël vient entretenir en nous l’idée d’un dieu papa gâteau, Halloween vient chatouiller nos peurs archaïques. La stratégie commerciale n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle joue sur nos désirs primaires et nos peurs inconscientes. Et ce faisant, elle nous y enferme, à notre insu.

Car ce que ces enfants savent encore moins, c’est que le besoin de célébrer la mort est en réalité vieux comme le monde : il existait bien avant la révélation biblique. Le culte des morts est, en ce sens, préchrétien. Sous toutes les latitudes et à tous les millénaires, les hommes ont éprouvé le besoin de mimer cette peur archaïque comme pour l’exorciser. Le retour en force de cette « mode » n’est en réalité qu’un retour à l’archaïque ; son succès n’est que la conséquence de l’oubli de la révélation chrétienne. Et il y a peu d’esprits assez lucides pour y voir un retour du paganisme : un univers dans lequel l’homme essaie de se protéger des dieux omniprésents et terrifiants, en les singeant. Le paganisme repose sur le postulat que la divinité est dangereuse pour l’homme et qu’il est préférable de la maintenir à distance. A l’opposé, Jésus Christ nous révèle un Dieu qui entre en relation avec les hommes pour faire alliance avec eux et leur partager sa vie. Mais que préférons-nous apprendre à nos enfants ?

Lorsque l’homme perd l’horizon de sa vie, lorsqu’il ne voit d’autre destination que le néant de la mort, alors il se met à jouer avec ce qui lui fait peur pour tenter de s’en protéger. Paradoxe : c’est le même monde qui s'enferme dans un profond déni de la mort et qui semble en même temps fasciné par elle. C’est que probablement, déni et fascination sont les deux faces d’un même recroquevillement. En réalité, Halloween est un choix par défaut. C’est ce qui s’impose à nous lorsque nos vies n’ont plus d’horizon autre qu’elles-mêmes. La nature a horreur du vide. Et notre monde souffre d’un terrible vide d’espérance.


La prière chrétienne dit autre chose de nos vies, de nos liens, de nos histoires. Et si nous prions pour nos défunts, si nous bénissons les tombes dans les cimetières, ce n’est pas pour adoucir nos peurs ou pour tenter de chasser quelques fantômes. La prière chrétienne pour les morts est orientée vers la fête de tous les saints, vers l’horizon de notre vie : la lumière de Dieu. Nous ne prions pas pour exorciser notre peur ; nous prions pour soutenir nos aînés dans leur marche ultime vers notre vraie patrie.

La fête de la Toussaint, c’est notre boussole, notre horizon, notre destination. Nos frères et nos sœurs du ciel nous rappellent que notre patrie se trouve dans les cieux. Nous ne sommes que des étrangers sur cette terre, des pèlerins en marche et en quête de notre véritable demeure. Et c’est à la lumière de cette patrie céleste que la prière pour nos morts devient si belle et si pleine d’espérance. Jésus Christ n’est pas venu pour exorciser notre peur de mourir ; il a vaincu la mort et l’a ouvert sur un autre horizon, une autre espérance. Dieu veut pour nous la vie, la vie en plénitude, la vie plus grande que la mort, la vie qui engloutit la mort en elle. Choisis la vie !


Pierre Alain Lejeune

1er novembre 2021




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