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Le courage d'espérer

Notre monde va mal ; il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Je vous épargne la longue litanie des désastres qui s'abattent sur nous depuis quelques années mais vous conviendrez qu'il y a de bonnes raisons d'être inquiets. Dans un tel marasme, il est un trésor qu'il nous faut cultiver, protéger et défendre à tout prix : celui de l'espérance. L'espérance dont je parle n'a rien à voir avec une naïveté irresponsable ou un optimisme béat. Elle relève au contraire, je le crois, de l'attitude la plus réaliste et la plus courageuse. L'espérance chrétienne, c'est regarder la réalité en face ; c'est fixer notre regard sur le Christ en croix, fixer notre regard sur la réalité la plus crue de notre existence humaine : la mort. Et voir plus loin… Il en faut du courage pour espérer !

Pour comprendre cela, il faut bien distinguer espérance et espoir. Un espoir est toujours quantifiable et précis : je peux entretenir l'espoir d'une guérison, de trouver du travail, de réussir un examen, etc... Mais l'espérance elle, est un horizon sans limite, sans contours précis. Celui qui est dans l'espérance ne sait pas vraiment ce qu'il espère ; mais il espère ! « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l'âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire » (Hébreux 6,19). Cette ancre de l'espérance est plantée dans le cœur de Dieu, au-delà du voile de ce monde. Voilà probablement ce qui fait le plus cruellement défaut à notre époque qui ne sait pas ou ne veut pas voir plus loin que ce qu'elle maîtrise et produit ; notre époque qui a perdu cette ancre et ne sait plus s'agripper qu'à elle-même.

Lors d'une discussion cet été, on m'a resservi une nouvelle fois cette vieille rengaine : « la religion est l'opium du peuple ». Slogan réchauffé, usé et fatigué ; argument d'un autre temps qui voudrait faire passer les croyants pour des faibles sans courage. Que la religion puisse devenir parfois un anesthésiant et une fuite du réel, je veux bien l'admettre ; en fait, tout dépend de ce que l'on en fait… Mais la foi en Jésus ressuscité est tout sauf une manière de se rassurer à bon compte. Ceux qui le pensent encore, ignorent probablement que les chrétiens sont, de très loin, les croyants les plus persécutés dans le monde aujourd'hui. Pourraient-ils tenir de tels propos en regardant, les yeux dans les yeux, ces milliers d'hommes et de femmes qui, chaque année, préfèrent mourir plutôt que de renier leur foi ?

En réalité c'est de courage et d'espérance que manque notre monde aujourd'hui. Et c'est sans doute un des plus grands services que, nous chrétiens, pouvons rendre à ce temps : avoir le courage d'espérer envers et contre tout, espérer pour ceux qui n'espèrent plus. Nous tenir là, au milieu des tempêtes qui traversent notre époque, non pas pour vendre du rêve ou faire miroiter des lendemains qui chantent, non. Mais nous tenir simplement debout, avec au cœur le courage d'espérer que lorsque tout semble perdu, Dieu est encore vainqueur. Et nous avec Lui !


Pierre Alain Lejeune

le 16 septembre 2023


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